Raymond Riec-Jestin

Landerneau, 1905 – Landerneau, 1991

Fils d’un forgeron de campagne, Raymond Riec-Jestin est élevé par sa grand-mère. Il pratique déjà très timidement la peinture dans son enfance, décorant les sacs de grains que sa grand-mère vend. Il vit ensuite en se laissant porter là où la vie l’emmène et exerce une multitude de métiers, de receveur d’autobus à casseur de chaînes dans les foires. Ce sont probablement les souvenirs qu’il conserve des voyages faits dans les Antilles et dans la Méditerranée orientale, alors qu’il était mousse sur des bateaux à vocation scientifique, qui sont à l’origine des paysages fantastiques qu’il recrée dans ses œuvres.

Totalement autodidacte, il commence à peindre réellement en 1953. Il est le peintre des paradis perdus, prodigue en mers et ciels bleus, en fleurs et en créatures inconnues. Ses mondes paisibles voient régner l’harmonie. On y trouve une végétation touffue, tumultueuse, qui laisse à peine suffisamment de place pour quelques oiseaux rares sommeillant sur les branches des arbres. L’œuvre de Riec-Jestin se distingue par un travail remarquable de la matière, et par un instinct de la couleur, du jeu des contrastes.

L’œuvre illustrant le jardin d’Eden est une vision toute personnelle qui fait la synthèse de plusieurs civilisations antiques. La végétation est luxuriante et témoigne d’un exotisme qui appelle aux rêves (on peut voir des palmiers, des hibiscus, des lys, des fougères…). L’homme qui se tient au centre de la composition est vêtu d’une courte tunique qui révèle son corps musculeux. Sa barbe fournie, ses cheveux longs et le diadème qui lui ceint le front évoquent Babylone, capitale antique et mythique, dont les temples ont servi de modèle à la tour de Babel. La grande rigidité du corps, présenté de face, évoque les statues égyptiennes. Quant aux animaux, ils renvoient aux apôtres bibliques : le lion pour Saint Marc, l’aigle pour Saint Jean, le taureau pour Saint Luc. L’homme serait peut-être alors Saint Matthieu, habituellement représenté sous des traits humains. 

Dans Le Sommeil d’Endymion, la nature est un écrin qui protège le sommeil éternel du jeune homme. Dans le ciel, apparaît la déesse Diane, associée à la Lune : elle porte sur ses cheveux, un croissant de Lune, et a un sein découvert, selon la représentation traditionnelle de Diane. Il existe plusieurs versions du mythe grec d’Endymion ; la plus célèbre raconte que le jeune berger Endymion, petit-fils de Jupiter, était le plus bel homme que la terre ait jamais porté. Diane, déesse de la Lune, s’éprit de sa beauté. Elle qui avait pourtant promis de ne jamais aimer d’homme, et de rester perpétuellement vierge, elle demanda à Jupiter de plonger le jeune homme dans un sommeil éternel qui conserverait sa jeunesse. Chaque nuit, la déesse rendit visite à Endymion ; le mythe raconte que de cet amour naquit cinquante enfants.

Le Sommeil d’Endymion, Huile sur toile