Etterbeek (Belgique), 1926 – 2005
Durant sa jeunesse, Pierre Lefèvre dessine les événements dont il est le témoin, et déjà se manifeste chez lui un don d’observation aigüe des êtres et des choses. Il s’inscrit aux cours du soir de l’Académie d’Etterbeek, où il déroute ses professeurs par la manière étrange dont il assimile leur enseignement : aussi comprennent-ils sans peine qu’il est vain de tenter d’amener cet élève particulier à la peinture traditionnelle. Il décroche cependant la médaille d’or pour son art de la composition.
Les foules de Lefèvre bougent, intensément. Les individus sont figurés de façon cocasse, ramenés souvent au type animal. On peut se demander si Pierre Lefèvre animalise l’homme ou humanise l’animal.
Il y a, en cet artiste, un désir de tourner en dérision tous ceux possédant à ses yeux une certaine puissance. Magistrats, avocats, gendarmes, ou encore ecclésiastiques de haut rang lui sont l’occasion de donner libre cours à son inconsciente férocité. Ses créations sont empreintes d’un humour étrange et enfantin, dans lesquelles des personnages tels que des religieuses et curés sont présentés dans des situations enclines à la moquerie : Pierre Lefèvre est sans aucun doute un peintre de la drôlerie et de la spontanéité.
L’artiste a une façon bien à lui de camper ses personnages, qui ne ressemble en rien à celle des autres peintres de la réalité populaire. Sa couleur n’est en rien criarde ou vulgaire, et le mouvement de son expressionnisme instinctif ne cesse d’étonner et d’émouvoir. Pierre Lefèvre développe un style personnel où il ne se soucie guère de la profondeur, applique des perspectives multiples et inversées, et procède par strates jusqu’à la pleine occupation de l’espace, tout en veillant à la lisibilité narrative de son sujet. Il a horreur du vide et le comble par une table basse, une valise, trois canards ou une poubelle. Dans un même souci décoratif, il use de damiers colorés en guise de pavement, de frises de tête de mort ou de grands rideaux théâtraux, qui, tout en ornant, dramatisent son propos.
Le tableau Le Tour de France est représentatif du style de l’artiste. En effet, les cyclistes sont remplacés sur les vélos par des animaux, conférant à la composition un aspect fantastique et humoristique. Tout l’espace de la toile est rempli ; l’artiste comble le vide situé en bas à gauche en ajoutant un arbre et quelques oiseaux, puis l’espace au centre des coureurs par une poule et ses petits. Les personnages, parmi lesquels on retrouve un loup en tête de la course, ne sont pas sans évoquer l’univers des contes ou des fables