Charente, 1874 – La Roche-sur-Yon, 1948
Léopold Jean-Jean est un artiste méconnu de son vivant, réhabilité après sa mort par Anatole Jakovsky, théoricien de l’art naïf. Lorsque des spécialistes, après son décès, tentent de s’attaquer à sa biographie, ils se heurtent à la personnalité peu commune de cet homme exubérant qui racontait de bon gré sa vie, sans distinguer le rêve du vécu. Lui qui se disait être un enfant « trouvé sous un banc » et élevé par l’Assistance publique, est en fait né en 1874, dans une famille de Charente-Maritime, dont il est le second enfant. Il est, pour la suite, plus difficile de démêler le vrai du faux. Agent technique des chemins de fer de l’État, il est nommé à la surveillance du montage des lignes dans les territoires des anciennes colonies. Son travail l’amène un peu partout dans le monde: il verra, raconte-t-il, l’Abyssinie, Madagascar, l’Indochine, la Guinée, le Congo… Ceux qui l’ont connu témoignent des aventures fantastiques, mêlant merveilleux et réalité, qu’il rapporte de ses voyages.
Malade et désoeuvré, fragilisé dans son corps et son esprit, il s’installe en 1938 à la Roche-sur-Yon où, pour subsister, à côté de ses petits travaux de bricolages, il compose et vend ses tableaux. En 1941, à l’âge de soixante-sept ans, il épouse Angelina, avec qui il partagera les conditions difficiles de son existence jusqu’à la fin de sa vie.
On dit de lui qu’il est un peintre, pourtant l’oeuvre de Léopold Jean-Jean est plus qu’une série de peintures. Dans chacune de ses compositions, il assemble, colle, additionne plusieurs matériaux ; il crée ainsi d’étranges images en relief, dans lesquelles il veut faire tenir des paradis lointains dont il dit avoir le souvenir. Par des assemblages d’allumettes, des collages de bouts de tissus déchirés, des juxtapositions de bouts de ficelle et autres objets trouvés à marée basse, il compose des oeuvres à mi-chemin de la peinture et de la sculpture. La mer y occupe souvent une place prépondérante, mais Léopold Jean-Jean traite aussi des paysages aux couleurs vives, avec un ciel occupant quasiment la moitié de l’espace peint. Le cadre est traité avec autant de soin que l’œuvre elle-même : il est ici enduit de plâtre dans lequel ont été incrustés des coquillages.