Paris, 1925 – Orléans, 2012
Jacqueline Benoît a le goût de la peinture dès l’enfance, peignant dans ses jeunes années de nombreuses gouaches. À vingt-neuf ans, sa pratique prend un tournant décisif lorsqu’elle s’initie à l’huile : elle consacre dès lors toute sa vie à l’art. Sa peinture s’inspire souvent des Primitifs italiens.
Elle fait la connaissance de l’écrivain Joseph-Marie Lo Duca, qui la présente à Anatole Jakovsky, le théoricien de l’art naïf. Celui-ci admire son travail : c’est en grande partie grâce à lui que Jacqueline Benoît obtient la reconnaissance de son œuvre remarquable. Son art, mystérieux, voilé, étonne et détonne dans l’art naïf, que l’on prend souvent pour l’art de la gaieté obligée.
Jacqueline Benoit peuple son Œuvre de jeunes filles au regard souvent troublé et lointain ; ses compositions veulent dévoiler l’intimité de ces personnages mélancoliques, solitaires. La solitude revient sans cesse dans l’Œuvre de Jacqueline Benoît. Les femmes subissent la présence de l’homme, font face à son indifférence, ou en sont libérées, mais aucune harmonie entre les deux sexes n’apparaît possible : l’amour est tour à tour une illusion et un piège.
Dans La halle aux poissons (1962), l’artiste réalise une scène cette fois assez gaie et dynamique où la foule est en train de faire son marché devant une poissonnière. Hommes, femmes et enfants sont présents, bien apprêtés dans des vêtements colorés. Les spécimens marins sont parfaitement disposés sur l’étale, cependant le tableau présente une perspective faussée, notamment au niveau de la table. L’artiste parvient tout de même à créer de la profondeur avec les éléments urbains et les personnages du second plan sur lesquels s’ouvre la halle, dont on remarque une partie du toit, et qui semblent être plus loin.
Partir, a été réalisé plus tard, en 2001. Il témoigne du fait que l’artiste a évolué dans son travail de composition : la perspective est bien présente, une première haie arrondie s’ouvre comme une porte sur un paysage dominé par une verdure peinte dans différentes tonalités. Le chemin au centre de l’œuvre guide notre regard vers l’horizon et ne semble jamais s’arrêter, créant une importante profondeur. Avec ce sentier qui semble mener vers un endroit lointain, Jacqueline Benoît illustre bien l’idée de partir. Une dimension fantastique se dégage également de ce tableau, rappelant celle des contes. L’œuvre apparaît même telle une invitation au voyage, comme si il nous était possible d’y entrer.
Avec Le salon rouge qui traite du thème classique du nu féminin allongé, Jacqueline Benoit rend ici un double hommage. Elle se réfère d’une part au tableau Le Rêve du Douanier Rousseau qui représente une femme nue, aux longs cheveux bruns, allongée sur un canapé et appuyée sur son avant-bras. D’autre part, elle emprunte à L’Olympia de Manet qui pose également nue, étendue sur un divan, les chevilles croisées, le regard droit posé sur le spectateur. La présence des statuettes d’une sirène nordique, à droite, d’un hippocampe, à gauche, et, en arrière-plan de celle de Poséidon avec son trident, placée dans une niche surmontée d’une coquille nous ramène à l’évocation de la Vénus sortie de l’eau de Botticelli.
Pour son tableau Les noces d’Orphée, Jacqueline Benoît puise son inspiration dans la richesse de la mythologie grecque, choisissant pour protagoniste le héros poète et musicien Orphée. Ce personnage a beaucoup inspiré les artistes, à l’image de Guillaume Apollinaire qui, en tant que critique d’art, défini l’Orphisme en 1912 en référence à son poème. Ce mouvement évoque une peinture basée sur la musique et l’abstraction. Cette scène de Jacqueline Benoît est traitée tout en verdure et en transparence; ce qui évoque une certaine douceur, cependant on y retrouve également ce sentiment de mélancolie récurrent. En effet, un événement tragique fait l’objet du tableau : le jour des noces d’Orphée avec la dryade Eurydice, cette dernière se fait mordre par un serpent et succombe à sa blessure. Le mari est représenté ici en bas à droite de la toile, adossé contre un arbre; identifiable grâce à sa lyre. Sa promise s’approche de lui, mais le serpent est déjà à ses pieds, prêt à l’attaquer. La composition renvoie aux codes de l’Antiquité, avec le jardin orné de statues et d’une fontaine, et les drapés délicats dont sont vêtues les femmes. On observe cependant une exception avec Orphée qui arbore un costume de marié noir moderne.