Chisinau (Moldavie), 1914 – Les Sables d’Olonne, 1991
Eva Lallement naît dans une famille juive contrainte de quitter Chisinau où plusieurs pogroms ont fait des centaines de morts et de blessés. Fuyant l’antisémitisme, Eva, âgée de 8 ans, et ses parents s’installent à Paris.
L’œuvre d’Eva Lallement est marquée par les nombreux traumatismes qu’elle vit tout au long de sa vie : l’émigration, la perte de son mari à la guerre, la mort de sa fille dans un accident de voiture.
Sa pratique artistique commence assez tardivement, à l’âge de quarante-trois ans. C’est son ami Jules Lefranc, collectionneur d’art et peintre naïf lavallois, qui lui conseille de s’exercer à la peinture. Eva prend alors rapidement de l’assurance et se tourne également vers la sculpture. Elle rencontre par la suite des acteurs de l’univers artistiques, aussi bien artistes que conservateurs. Après deux années de pratique, elle réalise sa première exposition en 1961.
Eva Lallement livre une œuvre tourmentée, dans laquelle domine la couleur noire. Ses peintures, fascinantes et déroutantes, parlent du voyage, du temps qui passe, de la vie qui s’achève. Ses sculptures révèlent un geste instinctif, une personnalité torturée, obsédée par la question de la condition humaine. Elle signe une Œuvre qui interpelle par l’angoisse qu’elle communique à ceux qui l’observent.
Contrairement à la majorité des peintures réalisées par l’artiste, le fond de La batelière n’est pas noir mais d’un jaune bien vif. La batelière apparaît comme une silhouette sombre sans visage qui s’oppose au fond solaire. La composition se veut simple, sans perspective, le cadrage resserré sur ce personnage semblant flotter dans l’œuvre. La pagaie intervient comme une ligne qui barre l’ensemble de la composition.
Dans les toiles de l’artiste, les corps des hommes et des femmes, schématisés, sont presque interchangeables, parés de long vêtements sombres et de coiffes. Ils portent également des cols d’une blancheur qui contraste violemment avec le noir omniprésent. Les couleurs, bien que vives, ne parviennent pas à éclairer les paysages empreints d’angoisse et de mélancolie.
Dans Les Barques, trois couples se tiennent debout, immobiles dans des barques noires. Les corps des hommes et des femmes, schématisés, sont presque interchangeables : troncs sans bras, épaules tombantes, visages parfois inclinés mais présentés toujours de face. Les hommes portent des chapeaux noirs, les femmes des coiffes blanches ; presque tous ont un col blanc. La blancheur des cols et des coiffes contraste violemment avec le noir omniprésent, sans parvenir à éclairer le paysage plongé dans la nuit. Il n’y a pas d’échappée possible. L’œuvre de Lallement se veut une image de la condition humaine : les yeux aux orbites noires et creuses de ces hommes et de ces femmes qui nous dévisagent, nous renvoient l’angoisse essentielle qui étreint chacun devant la barque du dernier voyage.
Ses sculptures révèlent tout autant sa personnalité torturée, obsédée par cette question de la mort, comme dans Enfant mort, où la mère tient sur ses genoux, dans une pietà déchirante, son fils inanimé. Dans Les vieux, l’artiste représente la vieillesse, non pas paisible mais plutôt vécue dans la souffrance de la vie qui s’éteint, les personnages aux visages ridés étant marqués par des expressions angoissantes, de complainte