Laval, 1935 – Craon, 2022
Alain Lacoste a été professeur d’histoire avant d’occuper un poste au service culturel du Conseil Général de Mayenne. En parallèle de ses activités professionnelles, et sans aucune formation artistique, il dessine, peint, sculpte. Artiste contemporain majeur de la mouvance singulière, tout matériau lui est un prétexte à créer.
Autodidacte éclairé, curieux et cultivé – son importante bibliothèque en témoigne – Lacoste se réfère à Picasso, Goya, Delvaux, admire les Expressionnistes, cite Dubuffet et se reconnaît en Chaissac, qu’il qualifie de “bricoleur de génie”.
Homme solitaire mais non isolé, il se rapproche, dès 1980, de Robert Tatin et expose à La Frénouse. À la même époque, il se lie d’amitié avec Stani Nitkowski, Louis Chabaud et Gérard Sendrey. Les uns et les autres l’encouragent dans sa démarche plastique si originale et le confortent dans son choix d’emprunter le chemin des créateurs anticonformistes.
Alain Lacoste est un obsessionnel. Il crée sans cesse, enfermé dans son atelier où personne ne doit le déranger. Ses oeuvres affublées de titres calembours sont ensuite accumulées dans les dépendances de sa propriété.
Obtenant très vite la reconnaissance des principaux acteurs (artistes, critiques et collectionneurs) de la mouvance des Singuliers, ses œuvres sont entrées dans les collections les plus représentatives : musée de l’Art brut de Lausanne, musée d’Art moderne de Lille métropole, Site de la Création Franche de Bègles, La Fabuloserie de Dicy (Yonne) et musée de l’Art naïf et Outsider de Stadshof-Zwolle (Hollande)
Lacoste ne travaille qu’avec des objets et des supports qui ont déjà vécu, centrant son processus de création sur la récupération : bouts de ficelle et de carton, journaux froissés, cartons tachés, mousses, pierres, vieux ustensiles ou outils oubliés. Les détournements de ces objets sont autant de défis à relever pour l’artiste. Il va en respecter chaque accident de parcours, froissure, déchirure, tache ou trace d’une précédente écriture. C’est ainsi que chacune de ses œuvres résulte autant de sa propre énergie créatrice que du hasard, avec lequel il cherche toujours à jouer. Il veut découvrir et faire découvrir le sens nouveau que peut prendre toute chose, même lorsque son statut semblait une fois pour toute défini : il fait alors naître des personnages improbables, inattendus et indisciplinés, des petits êtres qui n’obéissent à aucune gravité ni limite de l’œuvre. La couleur, franche et éclatante, s’impose et leur donne vie : placés en déséquilibre, contorsionnés et encastrés les uns dans les autres, chacun d’entre eux raconte une histoire.
Jouant avec la matière, Alain Lacoste manipule également les mots, les détourne, les contrefait. Il a la passion du mot : ses titres, véritables galipettes verbales, mettent un terme à l’acte créateur mais laissent souvent le spectateur perplexe. Clins d’œil pleins d’humour, parfois grinçants, prolongent l’ambiguïté de ces « bri-collages » et autres « grandes colleries ».
Pour Il a marché très tard, il détourne de son utilisation première un trépied pour pot de fleur en fer forgé et y insère un personnage constitué de bois et de pierre. Cet assemblage inattendu donne vit à un enfant dans son trotteur.
Pour composer Le fétiche, l’artiste utilise divers matériaux tels que du tissu et du bois qu’il colle sur du carton pour donner vie à des scènes parfois teintées de surréalisme, où des personnages aux visages souvent difformes sont représentés dans un décor aux couleurs vives, primaires. Le fait que certains éléments soient en volume et que l’artiste cerne de noir la plupart des formes qu’il peint donne un grand relief à l’ensemble. Les protagonistes sont ici deux personnages, un de face et un second de profil, qui sont dans un espace intérieur car on observe une fenêtre donnant sur la nature à gauche du tableau. Le personnage représenté de face semble être le fétiche, de par sa petite taille et le fait que le second personnage le tient dans ses mains. D’autres personnages, à droite, paraissent errer dans l’image, le regard dans le vide.
La Golfeuse ou du balai est à la manière de l’œuvre précédente, une composition faite de textile, bois et pierre, fruits des collectes toujours plus importantes de l’artiste obnubilé par l’idée de récupération. Sa maison regorgeait d’ailleurs de matériaux et d’objets de toutes sortes. L’image est cette fois assez violente : un personnage féminin brandit un club de golf et semble avoir administré un coup à la vache qui gît devant elle. Désormais au sol, l’artiste suggère du sang sous la tête de l’animal par quelques traces de pinceaux rouge vif. La vache ne semble pas être la seule à avoir subi ce sort car un chien est également étendu.
Dans Les dieux de la Basse Epoque, Alain Lacoste s’approprie les dieux de l’Egypte antique en les façonnant à sa manière. Il les habille de manière plus moderne mais conserve les coiffes que l’on retrouve chez la plupart des dieux égyptiens. Il choisit par ailleurs pour deux de ses personnages une couleur bleue qui contraste fortement avec le fond rouge : on peut y voir une référence au pigment de la roche lapis lazuli, d’un bleu profond, utilisé dans l’antiquité par les égyptiens pour orner sculptures, bijoux, etc.