Jersey, 1947
Amourette a exercé pendant trente-quatre ans le métier d’instituteur spécialisé. Déjà, parallèlement à son travail, la création faisait partie de sa vie, puisqu’il sculptait régulièrement des statues de bois. Il se disait fortement bouleversé à la vue de certaines œuvres d’art populaire, citant des statues médiévales rencontrées dans la pénombre d’églises romanes. Il y voyait des objets anonymes et inconnus mais dont il ressentait intensément l’âme.
C’est cette émotion qu’il souhaite transmettre dans chacune de ses compositions. Après le bois, il commença à pratiquer la céramique. Si une grande partie de son œuvre tourne autour de la maternité, il exécute également des jarres, des assiettes et des plats. Apparaissent souvent dans son travail des lézards et des escargots, animaux qui l’ont accompagné dans ses jeux d’enfant.
Pierre Amourette ne cherche pas, par son travail, à transmettre un message ; il ne souhaite pas donner un sens à ses oeuvres. Ce qui lui importe, c’est que son émotion permette de déclencher celle du visiteur. Il désire que chacun puisse exprimer son ressenti et proposer sa propre interprétation de l’oeuvre sans être limité par une quelconque volonté de l’artiste.
C’est pour cette raison qu’Amourette, au départ, ne signait aucune de ses œuvres. Néanmoins, sa démarche artistique évoluant, il ressentit peu à peu le besoin d’inscrire chacune des statues dans l’espace-temps de sa création. Désormais, il écrit non seulement la date et le lieu d’exécution, mais également son état d’esprit ou les désagréments physiques qu’il a rencontrés pendant le temps de fabrication, persuadé qu’ils ont eu une incidence sur le processus de création. Ainsi, dans le dos de la Vierge ouvrante peut-on lire : « Le froid arrive, J’ai mal à la gorge ».
Amourette a longtemps cherché le mélange de terres qui lui conviendrait pour confectionner ses sculptures. Après des années d’essais, il est finalement parvenu à composer la recette idéale : il s’agit d’un mélange de grès blanc, de porcelaine de tournage, de terre chamottée ou de kaolinite, et de terre issue d’une carrière proche de Châteaubriant. À cette préparation, il ajoute deux millièmes de polyachrylonitrile (famille des acryliques). La cuisson dépend du résultat qu’il projette, puisqu’il travaille deux types de production. Pour obtenir une terre vernissée, donc poreuse, comme pour la Vierge ouvrante, il cuit la sculpture à 980°C ; pour une porcelaine, la température de cuisson est montée à 1300° C.
La Vierge ouvrante de Pierre Amourette renvoie aux pietàs représentant la Vierge Marie pleurant son fils mort qu’elle tient dans ses bras. Chez l’artiste, ces figures maternelles possèdent très souvent une couronne, en hommage à sa propre mère surnommée la “reine mère”. On observe également dans cette œuvre un lézard et un oiseau qui apparaissent de façon récurrente dans les créations de Pierre Amourette. L’oiseau illustre pour lui l’idée du fils qui va prendre son envol, que ce soit dans la vie ou dans la mort. Cette Vierge ouvrante, avec ses symboles et ses yeux grands ouverts soulignés de multiples traits, possède tout le vocabulaire que l’artiste intègre à ses créations. L’œuvre s’ouvre, au niveau du cœur de la Vierge, afin de révéler un Christ crucifié. C’est là l’image d’une mère portant pour toujours en elle ce drame, la perte de son enfant unique.