Ocumicho est un petit village mexicain, situé dans l’État de Michocoan, à 2000 mètres d’altitude. Il s’agit d’un village où traditionnellement était travaillé le cuir. La révolution mexicaine de 1910 ayant ruiné la région, les artisans ont dû se tourner vers une autre forme d’artisanat : la céramique.
La fabrication des diables en céramique d’Ocumicho a débuté dans les années 1960, grâce à un jeune artisan, Marcelino Vicente. Cet homme, mort très jeune, est devenu une légende dans ce petit village mexicain. Il racontait avoir rencontré le Diable en personne, qui lui aurait dit : « Tes diables sont laids, regarde-moi, moi je suis beau, prends modèle sur moi ». Quelques années après la mort de Marcelino, la création de ces petits diablotins à la technique très particulière est devenue la spécialité du village, et une grande part de sa production artisanale. Ce sont exclusivement les femmes qui pratiquent la céramique à Ocumicho, les hommes participant parfois en peignant les oeuvres de leurs épouses.
Dans les années 1980, Mercédès Iturbe, du Centre Culturel Mexicain de Paris, eut l’idée d’un projet à l’occasion du bicentenaire de la Révolution Française : elle demanda aux artisanes d’Ocumicho de réaliser une série de statuettes représentant divers événements de la Révolution, à partir de documents iconographiques.
Ces statuettes sont des œuvres à la rencontre entre la France et le Mexique : s’y mêlent à la fois l’imagerie et les symboles européens, et les systèmes de représentation mexicains. De nombreux éléments du répertoire local sont présents : ainsi, les aristocrates de La Chasse aux aristocrates sont habillés en costumes mexicains, et les révolutionnaires ont la peau bronzée des latino-américains.
Ces œuvres sont complètement caractéristiques du style des céramiques d’Ocumicho. Ce sont des sculptures aux formes très libres, aux couleurs très vives, des œuvres pleines de fantaisie et d’humour, avec souvent une certaine dimension scatologique. Ces statuettes proposent une vision déconcertante et dépaysante d’événements majeurs de l’Histoire de France.
Pour composer leur Liberté guidant le peuple, Carmelia Martinez et Rutilia Martinez Albarez s’inspirent de l’oeuvre éponyme d’Eugène Delacroix réalisée en 1830 et inspirée des soulèvements connus sous le nom des Trois Glorieuses. Carmelia Martinez y remplace les morts aux pieds de la Liberté par deux diables, dont le premier dévore les entrailles du second. La figure du Diable dans les oeuvres d’Ocumicho est récurrente : le Diable, expliquent les artisanes, est forcément présent dans les situations violentes, provoquant les bouleversements funestes, et se nourrissant du mal et du désespoir des hommes.
Avec la Démolition de la Bastille, Maria De Jesus Basilio retrace l’évènement phare de la révolution française, la prise de la Bastille, 200 ans après les faits. Symbole de la royauté tombée entre les mains du peuple, il s’agit, plus que de détruire une forteresse, de faire tomber tout une idéologie. Sur la sculpture dont les pierres semblent avoir été modelées unes à unes par l’artiste, le peuple, identifiable par les tenues vestimentaires, s’attache à démolir le fort à coup de pioche : il ne doit plus rien rester de l’édifice, comme pour mieux démarrer la nouvelle ère démocratique.