Viadana (Italie), 1906 – Boretto (Italie), 1986
Pietro Ghizzardi est l’un des artistes emblématiques de l’art hors-norme italien. Il est né dans une famille de modestes paysans. Il connut une vie difficile : il perdit son père jeune, et dut vivre seul avec une mère qui exerça sur lui une influence malsaine, et un frère qui se plaisait à ridiculiser et contrarier chacune de ses inspirations artistiques. Il n’a exercé que des métiers très modestes qui lui permettaient tout juste de subsister, balayeur des rues, domestique, ouvrier agricole.
Ghizzardi commença a créer à trente-six ans, du dessin tout d’abord, puis dix ans plus tard, s’initia à la peinture. Trop pauvre pour acheter des toiles, il peignait sur du carton ondulé qu’il trouvait dans une usine voisine, et fabriquait lui-même ses couleurs à base de suie de cheminée, de plantes et de minéraux. Lorsqu’il n’arrivait pas à se procurer de nouveaux cartons, il peignait sur la seconde face d’œuvres plus anciennes.
S’il a abordé plusieurs thèmes, c’est surtout le portrait qui domine dans son œuvre, avec une obsession pour la femme, femme-mère, femme-épouse, qu’il peint d’un trait fiévreux ; les corps se contorsionnent, les sourires grimacent, les regards sont brûlants. Souvent, il peignait des portraits de personnalités, dont il découpait les photographies dans les journaux, pour les réinventer dans des représentations fantasmagoriques.
Ici, c’est un autoportrait que Ghizzardi offre à contempler : il livre un portrait sans concession où il apparaît manifestement amaigri, ses joues creusées, ses yeux cernés. Son visage est sillonné de cernes profonds, qui marquent les volumes. Le corps, lui, est inscrit dans des lignes courbes, mobiles. Les couleurs sont sombres, traitées dans un style très brut ; mais le blanc des yeux, rehaussé par le noir des paupières, éblouit : le regard est lumineux, intense, dur. Ghizzardi veut montrer au monde la force de son âme, victorieuse de toutes les épreuves.