Millau, 1936 – 2023
Alain Pauzié passe son enfance à Albi où il se passionne pour le rugby et joue en milieu semi-professionnel. Il entreprend des études de Droit à la faculté de Toulouse et un DESS d’Économie politique. Il travaille ensuite en région parisienne au Commissariat à l’Énergie Atomique.
C’est sa femme Françoise, avec qui il se marie en 1961, qui l’initie au dessin. Il dessine d’abord sur du papier perforé d’imprimante, puis peint à l’huile ou à la gouache, grave des os, scarifie le cuir et, pionnier de l’art posté, adresse des enveloppes décorées à ses amis.
En 1976, il réalise une première exposition à Fontenay-aux-Roses, puis au cours d’un voyage aux Etats-Unis, peint une fresque murale dans une maison victorienne à Norwal, dans l’Ohio. Il expose ensuite à la galerie Jacques à Ann Arbor dans le Michigan. Dès lors, les expositions se succèdent : Paris, Compiègne, Albi, Bègles, Carquefou, Caen…
En 1977, Alain Pauzié rencontre Jean Dubuffet. Le théoricien de l’Art brut l’encourage, une amitié se noue et les deux personnalités entretiennent une correspondance jusqu’au décès de Jean Dubuffet en 1985.
Alain Pauzié correspond aussi avec Jean-Joseph Sanfourche qu’il a découvert en 1978 au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Devenus complices, les deux artistes échangent des oeuvres et collaborent pour une publication rendant hommage à Jean Dubuffet.
Grand récupérateur des objets laissés pour compte, il détourne les vieilles semelles, les pierres, les bois flottés et autres matériaux ramassés sur la côte. Ces objets, assemblés, collés, scarifiés et peints se métamorphosent pour donner des œuvres extraordinaires d’inventivité et de fantaisie qui font souvent penser à l’art tribal, de part l’alphabet de signes imaginaires qu’il crée. Il grave sur toutes sortes de matériaux comme pour répondre à un besoin : ainsi, les objets deviennent des pièces totémiques par les incisions, les dessins dont ils deviennent le support. En récupérant, il fait une sorte de pied de nez malicieux à la société de consommation.
Ses Bons à rien, galets roulés et usés par la mer deviennent figures antropomorphes tandis qu’une selle détournée rappelle les ready-made de Pablo Picasso et de Marcel Duchamp. L’artiste utilise une alène pour scarifier le cuir, y dessine des courbes, contre-courbes et entrelacs, créant une oeuvre qui rappelle l’art aborigène. De sa ville natale, Millau, il garde la mémoire du travail du cuir. La ville a en effet été la capitale de la ganterie jusqu’au 20e siècle.
Depuis quelques années, Alain Pauzié entreprend des collaborations avec des plasticiens, photographes et autres créateurs de l’art contemporain. Il propose des montages dans lesquels la fantaisie de l’un est sublimé par la poésie de l’autre. Il s’associe ici avec le photographe Hervé Desvaux, qui réalise deux clichés en noir et blanc, mis en parallèle avec les semelles emblématiques réalisées par l’artiste. Les œuvres se répondent, d’un côté avec un travail sur les pièces d’une chaussure, de la semelle au cuir, et leur symétrie pour Sans titre ; et de l’autre avec des semelles en contraste avec la roche, telle une montagne, pour Semelles détournées, qui fait écho à l’idée de marche, d’empreinte sur la nature. Alain Pauzié, par son processus artistique, essaie justement de retarder les effets d’une des empreintes que l’homme laisse sur la nature : la pollution. En effet, l’artiste collecte des objets trouvés lors de ses promenades, le plus souvent le long des plages, pour créer ses œuvres hétéroclites. Ainsi, il donne une seconde vie à des objets destinés à errer sur les sol pendant des années avant de disparaître.