Avec l’ouverture de la route des Indes par Vasco de Gama, après 1498, un commerce régulier s’établit entre l’Extrême-Orient et l’Europe. Portugais d’abord au XVIe siècle, puis Hollandais, Anglais et Français aux XVIIe et XVIIIe siècles se disputent le monopole des importations de ces porcelaines chinoises que l’on baptisa « Porcelaines de la Compagnie des Indes ». À partir de l’arrivée des Européens, les Chinois vont adapter leur production au goût de ceux-ci. Pour ce faire, des gabarits d’orfèvrerie, des gravures et des cartons d’armoiries sont expédiés en Chine pour servir de modèles. L’iconographie traditionnelle chinoise – confucéenne et bouddhiste – va disparaître progressivement au profit d’une iconographie plus européenne, notamment florale.
Cette théière piriforme a été réalisée dans la manufacture impériale de Jingdezhen en Chine, alors à son apogée. Elle est décorée d’une représentation de jardin chinois où les branches de prunus en fleurs, débordant un mur, côtoient un buisson de pivoines derrière une balustrade en bois. Cet objet appartient à la famille rose car cette couleur est dominante dans ce décor. Elle est utilisée vers 1730 en Chine et supplante progressivement la famille verte. Dans ce décor, le rose est d’une couleur pourpre intense qui la distingue du rose chinois plus clair que l’on peut voit sur d’autres pièces. Les Chinois parlent alors de yang-ts’ai (couleurs étrangères) car ce « pourpre de Cassius » a été inventé aux environs de 1680 à Leyde (Pays-Bas) par Andreas Cassius de Hambourg avec du chlorure d’or et de l’étain. C’est la température de cuisson qui détermine les nuances de ton de rose. Cette technique aurait été introduite à la cour chinoise vers 1700 par les Jésuites. De ce fait, la famille rose a été généralement produite pour l’exportation. Le couvercle d’origine en porcelaine, sans doute cassé, a été remplacé par un couvercle à charnière en argent (?), ce qui indique l’intérêt que l’on portait à cette petite théière. Sa facture est européenne de par l’utilisation courante du métal pour compléter ou présenter les porcelaines et le recours au bouton de rose en relief pour former la prise, fleur emblématique du rococo qui est à la mode à l’époque en Europe. Le thé faisant partie avec les porcelaines et les épices des produits les plus échangés avec les Chinois, les services à thé dit aussi cabarets sont devenus parmi les ensembles les plus prisés des Européens. Importées en masse aux XVIIe et XVIIIe siècles, les porcelaines chinoises vont connaître un déclin au profit de la porcelaine française, après la découverte du secret de leur fabrication en Saxe (Allemagne).